Harcèlement de rue : que faire en tant que témoin ?

Entre les témoignages de harcèlement sexuel lus sur le net – et – plus proche de moi, ceux de ma soeur, ce matin à 4h42 je n’arrivais plus à dormir à force de cogiter sur « qu’est ce que j’aurais pu faire ? ». Voici quelques pistes, tirées de mes réflexions personnelles et de différentes sources, pour contribuer à lutter contre le harcèlement sexuel. Cet article se concentre sur le harcèlement « de rue » (dans les lieux publics). D’autres articles suivront sur les autres types de harcèlement.

Pourquoi c’est important (vital ?)

Je m’adresse ici en particulier aux hommes : non, le harcèlement n’est pas « à minimiser », OUI, c’est hyper traumatique, OUI, en tant qu’hommes nous devons agir pour aider, et OUI, c’est possible, même avec un courage modéré.
Non, Google, le harceleur n’est pas « rare ». D’après une étude IFOP, 81% des femmes en France ont subi au moins une fois dans leur vie un harcèlement public.
Même en cas de harcèlement considéré comme « léger » (ça existe ?!), les femmes subissent du stress, de la colère, et parfois même à tord de la honte ou de la culpabilité. Cela leur fait perdre progressivement leur estime d’elles-mêmes, avec tous les impacts négatifs sur leur vie sur le long terme. Surtout que même en cas de « harcèlement léger » (j’ai décidément un problème avec cette expression), sa répétition dans le temps en fait un élément très toxique. Donc, message d’un homme aux hommes :  s’il vous plaît, ne sous-estimons pas les blessures de quelque chose que nous ne subissons pas nous-mêmes.
En plus, En agissant contre le harcèlement en tant que témoin, vous montrez l’exemple et contribuez à changer la norme.
#StandUpContreLeHarcelement .

Les actions en tant que témoin et allié

Avant que ça arrive

Bien, bien avant : éduquer. Evidemment, l’essentiel de l’éducation se fait pendant l’enfance. Donc, sensibiliser et expliquer à ses enfants le consentement, le respect, l’empathie, les relations humaines, la sexualité, etc… Sont un pré-requis à un monde sans harcèlement.
Anticiper les situations à risque : je vais me contenter ici d’un petit exemple personnel. A 19 ans, je me suis retrouvé seul dans un wagon de RER avec une femme. Ma première réaction intérieure (pleine d’hormones à cet âge) a été « elle est jolie, elle me plaît, j’aimerais bien lui parler ». Ma seconde réaction a été « je sors du RER au prochain arrêt, si un mec respectueux comme moi pense ça, elle n’est pas en sécurité seule dans ce wagon » et je lui ai dit « je vous conseille de changer de wagon et de vous mettre là où il y a du monde ». Elle fut surprise un instant puis a changé de wagon. Peut-être que ces mots ont permis d’éviter un drame.
Rester alerte… : dans un monde de zombies numériques, il est bon de lever les yeux et d’ouvrir ses oreilles à l’environnent de manière régulière, de prêter attention. Anecdote personnelle à ce sujet : à 7 ans, mon fils s’est fait chahuter par deux enfants sur une aire de jeux, j’étais le seul à le voir, tous les parents étaient scotchés à leur téléphone mobile… Je n’ai jamais réussi à savoir qui étaient le ou les parents des deux enfants que j’ai dû stopper… Bref.  Levez les yeux. S’il vous plaît.

Pendant le harcèlement

Si comme moi vous êtes portés à aider mais n’avez pas envie de finir dans une situation potentiellement violente, j’ai une bonne nouvelle : c’est généralement possible. Voici plusieurs pistes efficaces pour y arriver.

La force du groupe : le premier truc qui m’est venu à l’esprit ce matin à 4h42 : motiver le groupe (par exemple, des personnes passives assises dans le métro) en leur disant avec détermination : « on ne peut pas laisser passer ça quand même, venez avec moi pour décourager verbalement la personne qui harcèle »  Intervenir en groupe permet de décourager par le nombre sans avoir à s’imposer avec violence. Je pense que la détermination d’un groupe peut avoir un gros impact psychologique.

La poids des mots : dans la même lignée, les mots peuvent avoir un gros impact. S’il ne faut surtout pas rentrer dans une négociation ou un débat avec le harceleur, exprimer verbalement que ce qu’il fait est inacceptable et mal permet de reconnecter son cortex (si si, il en a un) à la situation, là où le harcèlement excite plutôt sur le striatum (le vieux cerveau). Cela peut suffire à déconnecter la pulsion animale du harceleur et de le faire revenir à la « vie en société » et à cesser ses actes.

Le choc des photos (et vidéos) : filmer le harceleur en pleine action a deux objectifs :

  • S’il se rend compte qu’il est filmé : cela peut le décourager de continuer.
  • Sinon, la vidéo permet de support pour un dépôt de plainte.

Idée de projet : pouvoir lancer sur mon téléphone mobile une app directement reliée en streaming aux forces de l’ordre (je rêve… et puis bon… Encore faut-il avoir confiance en la police) ou à défaut à une association pour streamer en direct la scène afin que le harceleur n’ait plus le choix que de fuir (s’il prend mon téléphone c’est trop tard, c’est envoyé dans le cloud de la police/de l’association; s’il m’agresse il aggrave son cas !).

« Connaître » la victime : une façon organique de stopper le harcèlement peut aussi consister à faire semblant de connaître la personne harcelée, par exemple en disant « hé, salut ! Comment ça va depuis tout ce temps ! Comment va ton frère ? ». A voir à l’usage et en fonction de la situation… Et il faut avoir des bases de théâtre pour être convaincant (et la fille doit comprendre ce qu’on essaie de faire, ce qui n’est pas évident si elle est sous le choc).

Si le mal est fait

Si vous arrivez à la fin de l’acte de harcèlement et que vous vous trouvez en présence d’une victime en larmes ou simplement choquée, vous pouvez encore agir :

  • Se mettre à sa disposition : « Est-ce que je peux faire quelque chose ? »
  • La rassurer : lui dire que ce n’est pas acceptable ce qui est arrivé, et que ce n’est bien sûr pas de sa faute.
  • Faire preuve d’empathie (désintéressée, évidemment) : « je reste avec vous pendant les 3 stations puis je sors, cela vous convient ? » . J’insiste sur le « désintéressé » : vous avez aidé une femme harcelée ? Vous êtes quittes, elle ne vous doit évidement rien. Désolé de le rappeler mais on n’est pas en mode « prince qui sauve une femme qui lui quelque chose en retour ». Se rendre compte que vous avez aidé de façon intéressée serait la cerise sur le gâteau; vous avez fait le bien, cela est une récompense bien suffisante.

Qui contacter ?

En France, voici quelques numéros dédiés :
  • N° vert « Non au harcèlement » : 3020
  • Secours : 17
  • Pour les sourds et malentendants : SMS au 114
Des applis anti-harcèlement ?
A 4h42, j’y pensais aussi : pourquoi ne pas développer une appli pour lutter contre le harcèlement ? Ce matin j’ai regardé ce qui existe sur le web et évidemment, plusieurs applis ont fleuri ces dernières années… Mais de tout ce que j’ai lu ce n’est malheureusement pas super efficace et même potentiellement dangereux : par exemple, des agresseurs peuvent se faire passer pour des filles sur l’appli. Un peu comme une bombe lacrymogène qui peut être utilisée pour se défendre, ou pour attaquer…
Conclusion : le mieux reste encore la solidarité humaine « dans la vraie vie » !

Et vous ?

En tant que témoin/allié·e, avez-vous d’autres pistes et conseils pour lutter contre le harcèlement sexuel, ou des situations réelles à partager ?
En tant que femme, qu’attendriez-vous de plus / de différent des témoins et alliés ?
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