Je vais vous résumer ici les bases la CNV (« Communication Non Violente ») de Marshall Rosenberg, qui a défini une méthode utile dans à peu près toutes les relations interpersonnelles, que ce soit au travail, en amitié, en famille, en amour et même avec des inconnu·e·s dans la rue en cas de conflit. Cette méthode m’a ouvert les yeux notamment sur nos biais de communication (la façon dont on dit les choses, et la façon dont on les comprend). Je vous encourage vivement à vous entraîner à utiliser systématiquement la CNV au quotidien.
Assumer ses besoins, son « je »
« Les jugements portés sur autrui sont des expressions détournées de nos propres besoins inassouvis ».
A partir du moment où on comprend ce postulat 1. On prend moins les choses personnellement, et 2. On peut tenter de dire les choses différemment, notamment lors d’un conflit ou un désaccord.
Le but ultime de la CNV, c’est d’assumer la responsabilité de nos choix et améliorer nos relations avec les autres, et de lutter contre un conditionnement appris (parents, culture, société) qui nous fait généralement percevoir les dires d’autrui comme des critiques personnelles.
Règles fondamentales de la CNV
Voici ce que j’essaie de faire si je veux résoudre une situation problématique. Je vous donne ici un exemple concret qui m’est arrivé cette année.
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Exprimer factuellement les raisons du conflit (observation) : « j’ai accepté d’emmener Félix [notre fils] ce matin à condition de pouvoir partir à l’heure prévue (tôt) afin de ne pas courir ni stresser. Hors il y 10 minutes, je t’avais demandé les affaires de sport de Félix car je voulais être sûr de partir à l’heure. Finalement, tu me les as apportés juste au moment de partir, et malheureusement, c’est à ce moment-là que Félix a annoncé devoir s’habiller avec ses affaires de sport et non les emporter dans un sac car ils n’ont pas de vestiaire à l’école. Il a donc dû se déshabiller dans l’entrée, enlever les chaussures qu’il avait déjà mises pour partir. On a tous commencé à stresser car on allait être en retard, tu lui as crié dessus, il s’est presque mis à pleurer, tu l’as pris dans tes bras pour le consoler, ce qui a encore prolongé le temps avant de partir ».
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Exprimer ses sentiments (« cela m’a stressé, je me suis senti triste que Félix se fasse gronder et soit au bord des larmes, ce genre de conflit du matin me vide de mon énergie, et cela me met en colère tout ceci est dû au fait que notre ‘contrat’ n’a pas été respecté »).
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Exprimer ses besoins (« j’ai besoin – pour mon bien être, pour mon énergie, pour ma santé mentale – d’être sûr qu’on sera à l’heure sans courir le matin et sans tensions. Je n’aime pas le stress de la dernière minute, et encore moins les cris et pleurs, surtout quand on peut l’éviter simplement en anticipant et en prenant des marges de manoeuvre »).
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Faire une proposition concrète et explicite (« dorénavant, quand c’est moi qui emmène Félix, est-ce qu’on peut se dire que dorénavant, j’essaierai que tout soit prêt sans te demander d’intervenir, mais que, si j’ai besoin de toi malgré tout, tu feras l’effort de préparer les affaires demandées au moins 10 mn avant l’heure de départ, c’est à dire à 8h15 – comme si on devait partir à 8h15 ? Si on est vraiment en avance on aura toujours le temps de discuter ou de faire un câlin devant l’école… ».
Quelques règles de CNV pour désamorcer un conflit
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Je remplace mes « tu », par des « je » lorsque je parle.
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Je demande de préciser les sentiments de l’autre (« j’ai l’impression que tu es triste/en colère ») pour être certain de ne pas avoir mal interprété ses sentiments.
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Si l’autre exprime quelque chose qui semble être une critique personnelle : je tente de reformuler avec mes mots ce que j’ai compris des propos de l’autre personne, en demandant si j’ai bien compris, et en remplaçant ses « tu » par mes « tu » (exercice inversé du point 1). Ex : « Tu es [critique ‘définitive’] », « Tu te sens [type de sentiment] lorsque je [type d’action] ».
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A contrario, si la personne prend comme une critique ce que je dis en mode CNV (c’est très fréquent, nos cerveaux ont été programmés pour voir la critique personnelle partout) : insister sur le fait que je ne suis pas en train de critiquer l’autre, mais d’exprimer mes besoins/soucis/une situation, etc avec le même modèle qu’en 3 : Je [type de sentiment] lorsque tu [type d’action].
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Les mots à éviter à tout prix : « toujours », «tout le temps » « jamais ».
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Les verbes à préférer : verbes d’actions (tu fais, tu vas…), plutôt que le verbe être (qui traduit un état potentiellement permanent, et qui donne l’impression d’une critique définitive).
Quelques exemples concrets
Plutôt que de dire… « Tu fais toujours tout à la dernière minute »
En CVN, dire… « Je me sens stressé – ce qui vide mon énergie pour une partie de la journée – lorsqu’on doit courir pour ne pas être en retard (ex : pour aller à l’école), j’aimerais qu’on arrive à anticiper de 10 minutes les départs le matin pour ne plus avoir à courir à la dernière minute, éviter de s’énerver et »
Plutôt que de dire… « Tu es trop bruyant et tu parles tout le temps ! »
En CVN, dire… « J’ai peu dormi et je me sens très irritable face au bruit ce soir – ce n’est pas de ta faute. Peux-tu s’il te plaît parler moins fort // faire une pause et ne plus parler pendant quelques minutes [pendant qu’on mange, par exemple] // J’ai besoin de m’isoler une demi-heure pour me reposer » ?
Plutôt que de dire… « Tu ne prends pas ta vie en main, tu te négliges (…) »
En CVN, dire…« je suis dans une dynamique personnelle de travail sur moi côté mental, psychologique et physique et je me sentirais d’autant plus heureux si je sentais que ma partenaire était dans cette même dynamique. Est-ce que tu penses pouvoir m’accompagner dans ce projet ? » (Clairement, cet exemple est beaucoup plus difficile à traiter car si la réponse est « non », on reste dans un status quo probablement problématique…).
Plutôt que de dire… « Tu es transphobe, tu es vraiment fermé d’esprit ! »
En CVN, dire… « il y a deux ans, lorsque tu m’as raconté ton histoire de jeunesse avec cette personne trans en Argentine que tu as frappée, cela m’a vraiment blessé car non seulement je ne pense pas que la violence se justifie, mais en plus j’ai des ami·e·s de tous les genres et de toutes les orientations, et même si je veux bien admettre que tu ne comprennes pas ce qu’elles vivent et que tu aies pu être négativement surpris lors de cette rencontre au moment de l’intimité, ce sont des êtres humains qui méritent d’être traités comme tels, et qui pour aucune raison ne devraient être frappés. PS : ce sont des femmes. Acceptes-tu que je t’en dise plus sur le sujet ? ».
Et vous ?
Avez-vous d’autres exemples en tête qui pourraient illustrer les bienfaits de la CNV ? Si oui, n’hésitez-pas à les mettre ici en commentaires !